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Les vaccins COVID-19 sont sûrs et efficaces ; affirmer qu’ils ont causé une « crise médicale internationale » est sans fondement
À RETENIR
Les données scientifiques issues des essais cliniques et des études de pharmacovigilance indiquent que les vaccins COVID-19 sont sûrs et efficaces. Au cours de la première année de la campagne de vaccination contre le COVID-19, on estime que les vaccins ont permis de prévenir 19.8 millions de décès dus au COVID-19. Il n’existe aucune preuve montrant que les vaccins contre le COVID-19 ont été responsables d’une augmentation de la mortalité ou des cas de morts subites et aucune étude n’a montré une augmentation des complications de grossesse. Affirmer que les vaccins COVID-19 ont causé une « crise médicale internationale » est sans fondement.
ÉLÉMENT ANALYSÉ
Verdict :
Affirmation :
DÉTAIL DU VERDICT
Support insuffisant:
L’affirmation que les vaccins COVID-19 ont causé une crise internationale, en raison des millions d’événements indésirables et fausses-couches rapportés et plus de 70 000 décès, n’est pas supportée. Il n’existe aucune preuve que les vaccins COVID-19 ont causé une augmentation de la mortalité ou des fausses-couches.
Factuellement faux:
Les études menées à grande échelle ont montré que les vaccins contre le COVID-19 n’augmentent pas les risques de complication de grossesse.
Propos trompeur:
Les plateformes de déclaration d’événements indésirables, telles que VAERS et EudraVigilance, sont des outils précieux pour le suivi de la sécurité des vaccins. Mais ces rapports à eux seuls ne suffisent pas à prouver que les vaccins COVID-19 en sont responsables. Une analyse plus détaillée de ces événements est nécessaire pour établir un lien de causalité. Affirmer qu’une augmentation du nombre de décès est due aux vaccins COVID-19 fait suite à une interprétation biaisée des données.
AFFirmation complète
Vérification
Le 1er septembre 2022, une équipe de chercheurs du centre MRC du Collège Impérial de Londres (Center for Global Infectious Diseases Analysis), a publié une étude dans le journal scientifique The Lancet dans laquelle ils estiment que les vaccins contre le COVID-19 ont empêché 19.8 millions de décès dus au COVID-19 durant la première année de la campagne de vaccination[1]. Ces vaccins sont sûrs et efficaces et réduisent de façon significative les risques de symptômes sévères et de décès en cas d’infection.
Malgré les preuves abondantes de leur succès, la désinformation sur les vaccins continue de se propager sur internet. Récemment, un groupe de médecins et de scientifiques s’est formé pour signer une déclaration appelant à un arrêt de la campagne de vaccination contre le COVID-19. La déclaration affirme également que « nous nous trouvons dans une crise médicale internationale sans précédent dans l’histoire de la médecine, en raison du grand nombre de maladies et de décès associés aux ‘vaccins contre le Covid-19’ » » et qu’une « incidence élevée de fausses couches » ainsi que « un grand nombre d’effets secondaires indésirables» apparaissent chez les personnes ayant reçu ces vaccins.
La déclaration est soutenue par des groupes anti-vaccins, connus pour avoir créé et diffusé de fausses informations sur le COVID-19 et les vaccins. Parmi eux, nous pouvons citer le groupe Médicos por La Verdad, actif dans plusieurs pays hispanophones, et le groupe brésilien Médicos pela Vida, devenu célèbre après avoir promu des traitements anti-COVID inefficaces. Certains se sont manifestés à titre individuel, comme Natalia Prego, membre du groupe Médicos por La Verdad, dont le nom apparaît trois fois dans la liste des signataires de la déclaration (voir ici).
Des sites web tels que One American News Network (OAN) et Daily Sceptic, deux sites d’information en ligne qui ont déjà fait l’objet de vérification de la part de Health Feedback, ont rapporté les propos de cette déclaration. Des sites en français ont également relayé la déclaration (ici et ici). Aucun de ces médias n’a noté que les affirmations avancées dans cette déclaration ont fait l’objet de vérifications et ont été démenties en raison de leur inexactitude, du manque de preuve ou d’une interprétation trompeuse.
Ces sites affirment que « 400 docteurs » ont signé la déclaration. Un stratagème pour renforcer l’idée que l’initiative est largement soutenue par la communauté médicale mais qui doit éveiller les soupçons. En effet, nombre de signatures apposées à la déclaration sont en fait des noms et appellations fictives (voir ici, ici, ici, ici et ici). Il semble évident que n’importe qui est en mesure de signer et qu’aucune vérification de la qualification du signataire n’a été requise.
Afin de soutenir le fait que les vaccins contre le COVID-19 ont précipité une « crise médicale internationale », la déclaration fait mention de trois points principaux. Comme nous allons le démontrer ci-dessous, ces trois ‘arguments’ sont trompeurs, inexacts et non étayés.
Première affirmation (trompeuse)
« Nous assistons actuellement à une surmortalité dans les pays où la majorité de la population a reçu les soi-disant ‘vaccins COVID-19’ »
La déclaration débute par l’annonce d’une surmortalité dans les pays où la majorité de la population est vaccinée contre le COVID-19. Cette affirmation n’est pas nouvelle. En 2022, Health Feedback, ainsi que d’autres organisations et médias, ont vérifié de nombreux propos accusant les vaccins COVID-19 d’être responsables d’une surmortalité courant 2021 ; les vérifications faites se sont penchées sur la surmortalité dans les pays européens, où le taux de vaccination est élevé, chez les enfants en Europe et parmi la génération Y (personnes nées entre le début des années 1980 et la fin des années 1990) aux États-Unis.
Ces vérifications ont toutes conclu que ce propos est infondé et se base sur une analyse erronée de données. Par exemple, en août 2022, Health Feedback révélait que l’affirmation selon laquelle les pays européens ayant de plus faibles taux de vaccination auraient une surmortalité moins importante—comparés aux pays avec de plus forts taux de vaccination—est vraie seulement en juin 2022. De plus, ces affirmations sont fondées sur des corrélations trop simplifiées, qui ne prennent pas en compte d’autres variables comme la distribution d’âges ou encore les capacités des structures de santé, qui ont aussi un impact sur la mortalité.
Les vérifications faites à ce jour font aussi mention de plusieurs autres explications possibles à la surmortalité observée en 2021. Dans une vérification portant sur la supposée surmortalité de la génération Y, les experts ont expliqué aux journalistes de Associated Press (AP) que « La COVID-19 elle-même est une coupable évidente du nombre de décès » surtout que l’envolée des décès coïncide avec la propagation des variants du virus SARS-CoV-2 Delta et Omicron, tous deux très contagieux.
Lors de vérifications faites concernant une supposée surmortalité des enfants européens, les experts ont rapporté à RMIT FactLab que la surmortalité dans cette tranche d’âge pourrait être due au COVID-19, à la résurgence de maladies respiratoires comme la grippe post-confinements, ou encore à des conséquences sur le long terme de la pandémie (report des examens de routine et traitements, surcharge des structures de santé). D’autres ont abouti à la même conclusion concernant une prétendue surmortalité d’enfants américains.
Pour finir, il n’y a pas de preuves que les vaccins COVID-19 soient responsables d’une surmortalité. « A ce jour, le CDC n’a détecté aucune anomalie ou tendance inhabituelle après l’immunisation qui pourrait indiquer une responsabilité des vaccins COVID-19 dans les décès, excepté les neuf cas de décès confirmés suivant l’administration du vaccin Janssen » annonçait Martha Sharan, porte-parole du CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américain), à Associated Press (AP) en mars 2022.
Seconde affirmation (inexactE et non étayée)
« Le grand nombre de morts subites chez des jeunes auparavant en bonne santé qui ont reçu ces ‘vaccins’ est particulièrement préoccupant, tout comme l’incidence élevée de fausses couches et de décès périnataux qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes »
Les auteurs de la déclaration relient les vaccins COVID-19 et « le grand nombre de morts subites chez des jeunes auparavant en bonne santé ». Tout comme pour le propos sur la surmortalité, cette affirmation a été largement partagée sur les réseaux sociaux et vérifiée par Health Feedback et d’autres qui ont tous conclu que l’allégation n’est pas supportée. Certains propos font plus particulièrement mention d’une implication des vaccins COVID-19 dans le syndrome de mort par arythmie soudaine (SADS pour Sudden Arrhytmia Death Syndrome en anglais).
La mort subite est un décès imprévu et soudain qui se déclare dans l’heure suivant l’apparition des premiers symptômes chez une personne jusqu’alors en bonne santé. La majorité des morts subites sont dues à une arythmie cardiovasculaire, ce qui signifie que la plupart implique le cœur, la circulation sanguine ou des battements irréguliers du cœur. Le SADS est une forme de mort subite qui survient chez des personnes de moins de 40 ans qui, en raison de problèmes génétiques, ont un rythme cardiaque anormal qui les rend plus à risque d’avoir une crise cardiaque. Le syndrome de Brugada, qui fait partie des anomalies génétiques pouvant mener au SADS, toucherait 1 personne sur 2000 au niveau mondial. Aux États-Unis, environ 4000 enfants et jeunes adultes meurent d’un SADS chaque année.
Affirmer que les vaccins COVID-19 sont impliqués dans un « grand nombre de morts subites chez des jeunes auparavant en bonne santé » est factuellement faux à deux niveaux. Premièrement, les précédentes vérifications de propos similaires ont montré qu’il n’y avait aucune évidence d’une augmentation des cas de morts subites ou SADS. Deuxièmement, il n’y a également aucune preuve que les vaccins contre le COVID-19 aient pu causer des morts subites ou SADS. Par conséquent, cette partie du propos est non étayée.
La déclaration fait aussi le lien entre les vaccins COVID-19 et « une plus forte incidence des fausses-couches et de décès prénataux ». Une fausse-couche, ou abortion spontanée, se définit comme l’interruption involontaire et spontanée d’une grossesse avant la 22ème semaine de grossesse. Elle est dite ‘précoce’ lorsqu’elle intervient avant la 14ème semaine. En France, le décès périnatal (enfants mort-nés ou mortinatalité) est reconnu comme le décès d’un fœtus avant ou pendant l’accouchement après au moins 22 semaines de grossesse ou pesant au moins 500g à la naissance.
Il s’agit là encore d’une désinformation répandue à propos des vaccins COVID-19. Ces propos ont été démenti par les données issues des différents essais cliniques et études à grande échelle montrant tous que les vaccins COVID-19 n’augmentent pas l’incidence des fausses-couches ou des risques de complication de grossesse. De plus, les femmes enceintes étant plus à risque de développer une forme sévère du COVID-19 et donc une fausse-couche, la vaccination est au contraire bénéfique dans ce contexte pour justement limiter la sévérité de la maladie et empêcher les complications de grossesse. C’est la raison pour laquelle en France il est recommandé aux femmes enceintes de se faire vacciner afin de se protéger du COVID-19. Cette partie du propos est donc également erronée.
Troisième affirmation (trompeuse)
« à ce jour, il y a eu plus de 11 millions de rapports d’effets indésirables et plus de 70 000 décès co-liés à l’inoculation des produits dits ‘vaccins covid’ ».
La déclaration fait référence aux rapports du VAERS géré par le CDC, du système anglais ‘Yellow Card’, de la base de données australienne de surveillance des événements indésirables, de la plateforme européenne EudraVigilance et de la base de données VigiAccess de l’OMS pour appuyer leur affirmation que les vaccins COVID-19 ont causé « plus de 11 millions de déclarations d’effets indésirables et plus de 70 000 décès ». La déclaration omet cependant de mentionner la principale limite de ce type de rapports : les événements déclarés ne sont pas confirmés et requièrent des études plus approfondies afin de déterminer si les vaccins COVID-19 sont réellement la cause ou pourraient contribuer aux événements indésirables.
VAERS (pour Vaccine Adverse Event Reporting System en anglais, ou système de référencement des événements indésirables après vaccination) est une base de données gérée par le CDC et la FDA (Food and Drug Administration qui est l’agence américaine de contrôle sanitaire). Tout le monde peut accéder à cette plateforme et y déclarer un événement indésirable ressenti après l’administration d’un vaccin autorisé aux États-Unis. Sur la page « À propos » (About) du site web du CDC, un avertissement stipule bien que « les rapports de VAERS à eux seuls ne peuvent en aucun cas déterminer si un vaccin est la cause ou a pu contribuer à l’apparition d’un événement indésirable ou d’une pathologie » en ajoutant que « le nombre de rapports à lui seul ne peut pas être interprété comme une évidence d’un lien de causalité entre la vaccination et un événement indésirable ». Un guide pour interpréter correctement les données de VAERS est d’ailleurs disponible sur leur site.
Le système anglais Yellow Card, conduit par l’agence de régulation des produits médicaux et de santé du Royaume-Uni (MHRA), « collecte et surveille les données liées à de potentiels problèmes de sécurité dus à l’usage de produits de santé » incluant les vaccins. La MHRA publie régulièrement des rapports issus de Yellow Card sur les vaccins COVID-19. Dans un rapport du 1er septembre 2022, la MHRA mentionnait que « de nombreux événements indésirables rapportés sur Yellow Card n’ont aucun lien avec les vaccins ou les médicaments et le fait que des symptômes apparaissent au même moment que la vaccination peut être une simple coïncidence ». Plus loin dans ce même rapport, la MHRA insiste sur le fait important que « la déclaration d’événements indésirables ne peut donc pas être interprétée comme une preuve que ces effets secondaires sont dus aux vaccins COVID-19 »
L’Administration australienne des produits thérapeutiques TGA (Australia’s Therapeutic Goods Administration) évalue et surveille la sécurité de produits à visée thérapeutique en récoltant des déclarations d’événements indésirables liés aux médicaments et dispositifs médicaux. La TGA tient à jour une base de données qui référence ces événements indésirables (DAEN, Database of Adverse Event Notifications) et fait clairement mention des limites d’utilisation de ces données sur son site web. Il est ainsi stipulé que « les événements indésirables sont suspectés d’être en lien avec le médicament ou vaccin—mais la relation n’est généralement pas confirmée— les symptômes pourraient très bien être causés par une maladie sous-jacente ou d’autres facteurs » et « Il se pourrait qu’aucun lien existe entre l’événement indésirable rapporté et le médicament ou vaccin—il est possible que l’apparition de l’événement indésirable suivant la prise du médicament ou vaccin soit due à une pure coïncidence ».
EudraVigilance est une base de données gérée par l’agence européenne des médicaments (AEM) qui collecte et analyse les effets secondaires de médicaments disponibles dans l’espace économique européen. A l’image des autres bases de données, EudraVigilance permet de détecter rapidement de potentielles réactions suspectes faisant suite à la prise d’un médicament ou d’un produit de santé. EudraVigilance souligne aussi que « les informations disponibles sur le site web ne permettent pas de confirmer un lien de causalité entre le produit de santé et le ou les événement(s) indésirable(s) observé(s) » et que « le nombre d’événements indésirables suspectés qui sont rapportés sur EudraVigilance ne doivent pas servir de support pour déterminer la probabilité d’apparition d’un effet secondaire ».
VigiAccess est la base de données mondiale gérée par l’OMS qui référence les effets secondaires suspectés de produits médicaux tels que les traitements médicamenteux et les vaccins. Tout comme pour les autres bases de données mentionnées ci-dessus, l’OMS est très claire sur le fait que VigiAccess ne peut pas servir à confirmer un quelconque lien entre un effet secondaire et un médicament en particulier » et que la base de données « ne peut pas être utilisée pour déterminer la probabilité d’apparition d’un effet secondaire ».
En résumé, bien que ces cinq bases de données soient des outils précieux pour surveiller la sécurité des vaccins, le fait qu’un événement indésirable soit rapporté sur l’une de ces plateformes n’est pas une preuve suffisante pour en déduire que les vaccins COVID-19 sont en cause ou contribuent à un événement indésirable. Les déclarations faites doivent être plus amplement analysées afin de déterminer si la vaccination joue réellement un rôle dans l’apparition de l’événement indésirable. En somme, l’allégation des docteurs et scientifiques impliqués dans la déclaration clamant que « il y a eu plus de 11 millions de déclarations d’effets indésirables et plus de 70 000 décès liés » aux vaccins COVID-19, est trompeuse et injustifiée puisqu’ils oublient de mentionner que les liens entre les vaccins et les événements indésirables rapportés ne sont pas confirmés.
Les mauvaises interprétations et usages hors du contexte prévu de ces bases de données—pour faire croire que les vaccins sont dangereux—se sont multipliés lors de la campagne de vaccination COVID-19. Ce genre de propos s’est d’abord concentré sur les données de plateforme VAERS avant d’inclure Yellow Card, le système australien TGA, EudraVigilance et VigiAccess.
Conclusion
La déclaration, signée par 11 000 personnes en date du 16 septembre 2022, est un enchaînement de propos inexacts, trompeurs ou sans justification tentant de faire douter de la sécurité des vaccins COVID-19 pour inciter l’arrêt des campagnes de vaccination à l’échelle mondiale. En réalité, les études scientifiques concluent que les vaccins contre le COVID-19 sont sûrs et efficaces. On estime que les vaccins ont permis de prévenir environ 20 millions de décès dû au COVID-19 durant la première année de la campagne de vaccination.
RÉFÉRENCES
- Watson et al. (2022) Global impact of the first year of COVID-19 vaccination: a mathematical modelling study. The Lancet.