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La prétendue multiplication des problèmes de santé après la vaccination de militaires américains contre le COVID-19 est en fait due à une anomalie de base de données

Posté le : 17 Fév 2022

ÉLÉMENT ANALYSÉ

Infondé

Après les vaccins contre le COVID-19, les problèmes de grossesse et de fertilité, les cancers, les troubles neurologiques et cardiaques ont augmenté de plusieurs centaines de pourcents

Source : Instagram, Anonyme, 24 Jan 2022

DÉTAIL DU VERDICT

Inexact:

En raison d’une erreur, la base de données épidémiologiques et médicales de la Défense américaine a largement sous-estimé les déclarations de problèmes de santé sur la période de 2016 à 2020. L’affirmation que des problèmes de santé sévères se sont déclarés parmi les militaires après la vaccination contre le COVID-19 est donc inexacte puisque fondée  sur des données erronées.

Sans fondement:

Les données issues de la pharmacovigilance des vaccins et de multiples études scientifiques confirment que les vaccins COVID-19 sont sûrs. Cela contredit l’idée selon laquelle les vaccins auraient causé une augmentation significative des problèmes de santé dans l’armée américaine.

AFFirmation complète

En 2021, les problèmes de grossesse et de fertilité, les cancers, les troubles neurologiques et cardiaques ont augmenté de plusieurs centaines de pourcents après la vaccination COVID-19

à retenir

Les preuves scientifiques montrant que les vaccins COVID-19 sont sûrs et efficaces dans la réduction des hospitalisations et des décès sont abondantes. Bien que certains vaccins COVID-19 soient associés à un risque faible de syndrome de Guillain-Barré ou de caillots sanguins et d’inflammations cardiaques, ces évènements restent rares et sont bien plus fréquents lors du COVID-19. De façon générale, les bénéfices apportés par la vaccination surpassent les rares risques identifiés.

Vérification

En date du 15 février 2022, plus de 4,8 milliards de personnes—soit 62% de la population mondiale—ont reçu au moins une dose de vaccin contre le COVID-19. En France à la même période, plus de 90% des plus de 18 ans étaient entièrement vaccinés. Les études de pharmacovigilance garantissant la sécurité de ces vaccins sont claires: les bénéfices de la vaccination surpassent les risques encourus en cas d’infection par SARS-CoV-2 (responsable du COVID-19). Pourtant, des messages mettant en doute la sécurité des vaccins contre le COVID-19 continuent de circuler sur les réseaux sociaux. 

C’est par exemple le cas de ce post sur Facebook, publié le 13 février 2022, qui déclare une prétendue multiplication (‘spike’ dans le post d’origine) des cas d’infertilité et de complications de grossesse, de cancers, de problèmes neurologiques et de maladies cardiaques. Rien ne précise dans le post le contexte des chiffres présentés mais ces mêmes chiffres sont repris sur Instagram, où les auteurs établissent un lien entre l’augmentation de ces événements et la vaccination contre le COVID-19 de militaires américains, jusqu’à évoquer un génocide. En résumé, ce contenu, relayé sur plusieurs réseaux sociaux, soutient l’idée que les vaccins contre le COVID-19 sont la cause de l’augmentation des problèmes de santé. 

Sur Instagram, cette déclaration a été attribuée à l’avocat Thomas Renz, qui a présenté ces chiffres lors d’une table ronde animée par le sénateur américain Ron Johnson au sujet du COVID-19 le 24 janvier 2022. La vidéo de la table ronde a été vue plus de 230 000 fois depuis sa mise en ligne. En s’appuyant sur des résultats issus de la base de données épidémiologiques et médicales de la Défense américaine DMED (Defense Medical Epidemiology Database), Renz y a affirmé qu’une comparaison avec la moyenne des cinq années précédentes montre que le corps militaire américain a été touché par une longue liste de problèmes de santé en 2021, après la vaccination contre le COVID-19. 

D’après Renz, les données ont été fournies par les médecins militaires Theresa Long, Peter Chambers et Samuel Sigoloff dont il se fait le porte-parole. Dans le passé, Teresa Long a propagé de la désinformation sur les vaccins COVID-19 à plusieurs reprises, en affirmant par exemple que ces vaccins contenaient un des ingrédients de l’antigel. Cette affirmation avait justifié un procès (g) engagé contre le Pentagone afin de suspendre les autorisations des vaccins. Ce procès avait été intenté par America’s Frontline Doctors, une organisation connue pour diffuser de fausses informations sur les vaccins COVID-19 et promouvoir des traitements non prouvés contre le COVID-19, avec laquelle Renz a également des liens.

Cependant, les données utilisées par Renz pour démontrer une hausse des problèmes de santé en 2021—comparé aux années précédentes— sont erronées, rendant donc ses calculs inexacts. De plus, les données de pharmacovigilance des vaccins ainsi que les études scientifiques ne montrent aucune augmentation des problèmes de santé suite à la vaccination, en contradiction totale avec les propos de Renz. 

La prétendue augmentation des problèmes de santé parmi les militaires en 2021 est en fait due à une erreur dans la base de données.

La DMED est une plateforme qui permet d’accéder à distance aux données sur les problèmes de santé qui sont référencés dans le système de surveillance médicale de la Défense américaine DMSS (Defense Medical Surveillance System). En comparant les données de la DMED avec les données sources issues de la DMSS, les experts ont détecté une erreur dans le nombre de maladies rapportées au cours des cinq années précédentes.

Peter Graves, porte-parole de la division de surveillance des forces armées de l’Agence sanitaire de la Défense américaine, a expliqué à PolitiFact que «  les données étaient incorrectes pour les années 2016-2020 » en raison d’une erreur dans la base de données qui a provoqué une baisse des déclarations enregistrées sur cette période. En d’autres termes, les chiffres utilisés comme référence pour calculer l’incidence des problèmes de santé étaient en fait sous-estimés. 

En revanche, les chiffres de 2021 sont corrects, « cela donne donc faussement l’impression qu’il y a eu une explosion des diagnostics médicaux au sein des forces armées américaines en 2021 » a annoncé Graves en ajoutant  que « l’outil DMED sera inaccessible jusqu’à ce que les données puissent être corrigées ». 

En plus d’être inexacts, les chiffres présentés par Renz s’avèrent improbables et à l’encontre des preuves scientifiques. 

Aucune preuve que les vaccins COVID-19 causent une augmentation des risques de cancers

Les chiffres présentés et partagés par Renz sur les réseaux sociaux indiquent une augmentation de l’incidence de plusieurs types de cancers, dont le cancer du sein (487%), des testicules (369%) et des néoplasmes malins (664%).

Comme l’a expliqué Health Feedback dans un de ses articles, il n’existe aucune preuve que les vaccins contre le COVID-19 augmentent le risque de cancers. Une augmentation aussi importante aurait été observée au niveau mondial. Cependant, les autorités de santé publique et associations de lutte contre le cancer n’ont rapporté aucune augmentation soudaine des cas de cancers depuis le début de la vaccination COVID-19.

David Gorski, professeur de chirurgie oncologique à l’Université d’État de Wayne et éditeur de Science-Based Medicine, a souligné sur son blog que le nombre de cancers à lui seul suggère un problème dans les données. Premièrement, la fréquence des cas de cancers « ne change jamais aussi rapidement et de façon aussi importante » et « une telle augmentation ne peut s’expliquer que par un problème dans les déclarations ». 

Deuxièmement, les cancers prennent généralement plusieurs années pour se développer après l’exposition à un agent cancérigène. Même si l’augmentation avait été réelle, il est biologiquement impossible de la relier aux vaccins contre le COVID-19 qui ont été administrés moins d’un an auparavant. Gorski explique :

« Pour croire que les vaccins COVID-19 ont été responsables d’une augmentation des cancers de cette ampleur parmi les militaires, il faudrait supposer que les vaccins COVID-19 sont encore plus cancérigènes que les rayons ionisants des bombes atomiques. »

En résumé, bien que les statistiques sur les cancers en 2021 ne soient pas encore disponibles, une telle augmentation de la fréquence des cancers n’a pas été observée dans la population générale. Ce qui serait étrange si les vaccins étaient aussi cancérigènes que Renz et d’autres le prétendent. Par conséquent, l’explication la plus plausible de la prétendue augmentation massive et soudaine du nombre de cancers dans l’armée est qu’il y a une erreur dans les données, une explication également compatible avec l’état de nos connaissances sur les mécanismes de développement du cancer.

Les vaccins COVID-19 ne posent pas de problèmes de fertilité ou de complications de grossesse, ce qui n’est pas le cas de l’infection.

Le post indique une augmentation des fausses-couches (279%), des malformations congénitales (155%), des dysfonctionnements ovariens (437%) et de l’infertilité chez les hommes (350%) et les femmes (471%). Cependant, ces chiffres ne sont pas en adéquation avec les études cliniques et de pharmacovigilance, qui n’ont pas détecté d’effets néfastes des vaccins contre le COVID-19 sur la fertilité ou la grossesse, comme l’ont expliqué Health Feedback dans cet article ou encore l’INSERM dans un article dédié.

En revanche, les femmes enceintes sont plus à risque de développer des formes sévères du COVID-19—comparées aux autres femmes—surtout pendant le second et troisième trimestre de grossesse. Ce qui en retour favorise les risques d’accouchement prématurés et de mortinatalité. 

Les essais cliniques des vaccins COVID-19 n’ont d’abord pas inclus les femmes enceintes, menant à un manque de données dans ce contexte lors des premières phases de la campagne de vaccination. En avril 2021, le CDC américain (Centers for Diseases Control and Prevention) a recommandé la vaccination aux femmes enceintes après n’avoir décelé aucun problème de sécurité dans les études préliminaires[1]. Les études qui ont suivies, incluant des milliers de femmes enceintes, ont permis d’écarter les risques de fausses-couches[2-4], de naissances prématurées[5] ou tout autres problèmes de sécurité liés aux vaccins contre le COVID-19, que cela soit pour la mère ou l’enfant[6].  

Les recherches scientifiques ont aussi prouvé que les vaccins contre le COVID-19 n’ont pas d’impact sur la fertilité des hommes et des femmes. Deux équipes de chercheurs américains ont montré que la vaccination n’affecte pas la qualité du sperme ou de l’implantation de l’embryon[7,8]

En revanche, Ranjith Ramasamy, urologiste à l’Université de Miami et auteur d’une étude sur la qualité du sperme, a expliqué dans un article pour The Conversation que l’infection par le virus SARS-CoV-2 de tissus testiculaires pourrait mener à un dysfonctionnement de l’érection et de la fertilité masculine. Une autre étude, menée sur 2000 couples, a d’ailleurs montré qu’une infection par SARS-CoV-2 du partenaire masculin diminue légèrement les chances de conception, probablement en raison d’une baisse temporaire de la fertilité après la maladie[9]. Au contraire, aucune différence n’a été observée lorsque les deux partenaires étaient vaccinés. 

Le risque de développer des problèmes neurologiques est bien plus important après l’infection qu’à la suite de la vaccination.

Le post soutient également une augmentation de 1048% des problèmes neurologiques, incluant le syndrome de Guillain-Barré (551%), la paralysie faciale de Bell (291%) et la sclérose en plaque (690%).

Les vaccins à base de vecteur adénoviral (Janssen-Johnson & Johnson et Oxford-AstraZeneca) ont été associés à une augmentation légère du risque de développer certains syndromes neurologiques, comme le syndrome de Guillain-Barré et la paralysie faciale de Bell. Ces évènements restent cependant très rares[10] et la plupart des personnes ont été traitées et se sont rétablies[11]

Il est aussi important de souligner que le COVID-19 lui-même cause bien plus de problèmes neurologiques que la vaccination. Une étude des universités d’Oxford et d’Edinburgh a évalué la fréquence des effets secondaires neurologiques après vaccination et après infection par SARS-CoV-2, selon des données des autorités de santé du Royaume-Uni portant sur 32 millions d’adultes[10]

Les résultats, publiés dans le journal scientifique Nature Medicine, ont certes montré un risque plus élevé de syndrome de Guillain-Barré et de paralysie faciale de Bell avec le vaccin Oxford-AstraZeneca et une augmentation du risque de choc hémorragique avec le vaccin Pfizer-BioNTech. Cependant, le risque reste modéré. Pour le syndrome de Guillain-Barré, l’étude montre un excès (par rapport au risque habituel) de 145 cas pour 10 millions de personnes lors d’une infection par SARS-CoV-2 et de 38 cas pour 10 millions de personnes lors de la vaccination, soit un risque multiplié par 4 après une infection comparée à la vaccination. 

Les résultats de cette étude démontrent que, même si certains vaccins sont associés à une rare augmentation du risque de troubles neurologiques, ces derniers sont bien plus probables lors d’une infection par SARS-CoV-2. Le bénéfice de la vaccination surpasse donc les risques. Les bénéfices sont encore plus évidents lorsqu’on considère—au-delà du syndrome de Guillain-Barré—les autres risques associés au COVID-19, incluant les symptômes sur le long terme ou même les décès. 

Les troubles cardiaques sont aussi plus fréquents après infection qu’après la vaccination.

Le post affirme une augmentation des cas d’hypertension (2181%), d’embolies pulmonaires (468%) et de myocardites (269%).

Les vaccins à adénovirus Janssen-Johnson & Johnson et Oxford-AstraZeneca ont été liés à de très rares cas de formation de caillots sanguins, ou thrombose veineuse, souvent chez des individus jeunes. Afin de minimiser les risques, certains pays comme le Royaume-Uni et la France ont préféré recommander l’utilisation des vaccins à ARNm pour les personnes de moins de 40 ans, qui sont plus à risque de développer cet effet indésirable rare. 

D’autre part, les vaccins à ARNm de Pfizer-BioNTech et Moderna ont été associés à une faible augmentation du risque d’inflammation du tissu cardiaque (myocardites et péricardites), particulièrement chez les hommes jeunes. Cependant, les bénéfices de la vaccination restent supérieurs comparés aux risques faibles.

Il est important de retenir que les infections virales, dont celle par SARS-CoV-2, peuvent également causer des inflammations cardiaques. Selon les estimations, les risques de myocardites et péricardites ou autres complications cardiaques sont environ 5 fois supérieures après une infection que suivant la vaccination[12]. De plus, les cas d’inflammations cardiaques après vaccination sont généralement modérés et moins graves que lors d’une infection, comme l’a démontré Health Feedback dans cet article.  

Conclusion

Les chiffres, présentés par Renz et d’autres, reliant les vaccins COVID-19 à une augmentation parmi les militaires de l’armée américaine de problèmes de santé tels que les cancers, les problèmes de grossesse ou de fertilité, les troubles neurologiques et cardiaques, s’appuient sur des données inexactes en raison d’une erreur dans une base de données. 

Il n’y a aucune preuve suggérant un rôle des vaccins COVID-19 dans l’augmentation des risques de cancer ou de complications de grossesse. Et, bien que la vaccination soit associée à un risque faible de syndrome de Guillain-Barré et de rares cas de caillots sanguins et d’inflammations cardiaques, ce type d’évènements restent rares et sont bien plus fréquents lors de l’infection par SARS-CoV-2.Les données issues des essais cliniques et de la pharmacovigilance indiquent que les bénéfices du vaccin pour prévenir l’infection par SARS-CoV-2 et ses pathologies associées surpassent les rares risques identifiés. Pour cette raison, en France, la vaccination COVID-19 est recommandée « pour tous à partir de 5 ans ».

RÉFÉRENCES

  1. Shimabukuro et al. (2021) Preliminary Findings of mRNA Covid-19 Vaccine Safety in Pregnant Persons. New England Journal of Medicine.
  2. Zauche et al. (2021) Receipt of mRNA Covid-19 Vaccines and Risk of Spontaneous Abortion. New England Journal of Medicine.
  3. Magnus et al. (2021) Covid-19 Vaccination during Pregnancy and First-Trimester Miscarriage. New England Journal of Medicine.
  4. Kharbanda et al. (2021) Spontaneous Abortion Following COVID-19 Vaccination During Pregnancy. JAMA.
  5. Lipkind et al. (2022) Receipt of COVID-19 Vaccine During Pregnancy and Preterm or Small-for-Gestational-Age at Birth — Eight Integrated Health Care Organizations, United States, December 15, 2020–July 22, 2021. Morbidity and Mortality Weekly Report.
  6. Theiler et al. (2021) Pregnancy and birth outcomes after SARS-CoV-2 vaccination in pregnancy. American Journal of Obstetrics and Gynecology.
  7. Gonzalez et al. (2021) Sperm Parameters Before and After COVID-19 mRNA Vaccination. JAMA.
  8. Aharon et al. (2021) mRNA COVID-19 Vaccines do not Compromise Implantation of Euploid Embryos. Fertility and Sterility.
  9. Wesselink et al. (2022) A Prospective Cohort Study of COVID-19 Vaccination, SARS-CoV-2 Infection, and Fertility. American Journal of Epidemiology.
  10. Patone et al. (2021) Neurological complications after first dose of COVID-19 vaccines and SARS-CoV-2 infection. Nature Medicine.
  11. Wijdicks and Klein. (2016) Guillain-Barré Syndrome. Mayo Clinic Proceedings.
  12. Patone et al. (2021) Risks of myocarditis, pericarditis, and cardiac arrhythmias associated with COVID-19 vaccination or SARS-CoV-2 infection. Nature Medicine.

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